La Corrida, cette métaphore.
Au fond, j’apprécie la corrida, ce rituel sanglant où le torero défie le taureau. J’en savoure chaque instant, comme on déguste un grand cru corsé, conscient de l’amertume qui s’y cache. Oui ! Je sais. Avant d’entrer dans l’amphithéâtre, la bête subit les sévices d’une horde de sous-fifres nommés « chulos », ces hommes chargés de la tourmenter, de l’exacerber. C’est seulement ainsi que, malmenée et marquée au fer, la bête, apeurée, confuse, pénètrera dans l’arène. Instant crucial. Toute la manœuvre du torero et de sa cuadrilla de chulos consiste à l’enrager, la stupéfier et canaliser la furie et la peur de l’animal, par des passes habiles, vers la cape écarlate, métamorphosant sa charge enragée en une ruée prévisible.
Voilà comment on doit faire de la politique.
Les électeurs, ces bêtes, doivent être marqués au fer rouge par la propagande. Ils doivent entrer dans l’arène, yeux exorbités, naseaux fumants. Les « chulos » médiatiques doivent, les harcelant à coups de « sondages » et de fausses polémiques, les enrager, les désorienter, les empêcher de dialoguer en les divisant. C’est, en vérité, un art que de rendre, à chaque élection, le plus grand nombre si prévisible.
Il faut que la résignation se répande telle une épidémie parmi les plus touchés par les réformes antisociales, parmi les plus conscients des dangers réels qui guettent le monde. Ils s’abstiendront, se joignant aux ignares. Il faut attiser et détourner la colère de ceux qui veulent encore voter, contre des cibles faciles, fictives (immigrés, chômeurs, classes défavorisées, fonctionnaires, les assistés, etc.) ou exacerber la peur de ceux que les politiques menées n’ont pas encore appauvris (dette, hausses d’impôts…).
L’objectif est d’empêcher les gens de prendre du recul, de crisper le débat jusqu’à le rendre impossible, d’interdire au plus grand nombre d’identifier les véritable problèmes. Ainsi, comme à chaque fois, les candidats finalistes, adoptant des poses de matador, s’affronteront au deuxième tour.
Voilà comment ces marionnettes, ces individus sans pouvoir réel, deviendront « rois d’un jour » et qu’ils célébreront le triomphe de la « volonté populaire » en brandissant ses deux oreilles et sa queue. De cette manière qu’élection après élection, c’est imposé et triomphe la véritable religion, de nos jour.
Alors, installez-vous et savourez le spectacle. La prochaine élection promet d’être délectable.