Sortir du piège

Sortir du piège

L’humanité est dans un piège semblable à celui utilisé dans l’île de Java à la fin du XIXe siècle, pour attraper des petits singes, dont les habitants étaient friands.

Dans les lieux fréquentés par ces primates, on déposait des morceaux de sucre dans des moitiés de noix de coco évidées, attachées à un tronc d’arbre. Les singes, aussi curieux que nous, finissaient toujours par les découvrir et les déguster. Le sucre, adoré de tous les primates, exerce sur eux, comme sur nous, un subtil effet addictif. On en déposait encore et encore, prenant soin de les placer dans une noix de coco dont l’accès se rétrécissait progressivement, jusqu’au soir où il devenait si étroit qu’il permettait à leur main d’entrer, mais pas d’en sortir une fois le poing refermé.

Les singes pris au piège, étaient, d’abord, surpris de ne pouvoir retirer leurs mains. De plus en plus alarmés, ils avait l’impression que la noix de coco les retenait prisonniers. Affolés, ils se débattaient toute la nuit, jusqu’à l’épuisement. On le retrouvait le lendemain, terrorisés, exténués, hébétés, mais toujours incapables de comprendre que c’était ces bouts de sucre, serré dans leurs mains, qui l’emprisonnaient.

Le système qui nous mène à la catastrophe nous tient d’une manière similaire. Notre alimentation, notre santé, nos communications et nos loisirs en dépendent. Ainsi, insérés dans cette structure d’interactions dont nous dépendons et prenons soin par chacun de nos actes, nous filons, tous ensemble, droit vers un mur.

Hélas ! Notre situation est pire que celle de ces petits primates. Il ne s’agit pas simplement de « lâcher le bout de sucre ». Le piège qui nous retient est invisible, plus complexe, plus subtil, car nous en faisons partie, il fait partie de nous et, pour bon nombre d’entre nous, notre vie en dépend.

Oui, nous sommes tous liés dans un réseau complexe d’interdépendances. Il serait, je pense, vital de nous interroger sur l’état de nos liens, de nos préférences, nos valeurs, et sur la manière dont nous sélectionnons et posons, collectivement, les problèmes auxquels nous choisissons de faire face. Il y a urgence car, plus le temps passe, plus nous perdons pied et, par affolement, nous cherchons une issue dans ce système en accélérant sa course.

La tâche n’est pas simple à mener. Mais cette discussion, cette réflexion, doit s’imposer à nous. Même si nous savons bien que cela ne suffira pas. D’autres actions deviendront nécessaires. Mais sans cette réflexion, nous ressemblerions à celui qui, ayant perdu ses clés dans la nuit, les chercherait seulement là où il y a de la lumière.

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